Le rêve et les différents états de conscience
Par Chris Mangeart, enseignante, formation et perfectionnement d’enseignants de yoga
Le rêve comme le sommeil est un élément important de notre vie.
Le rêve paraît indispensable notre équilibre physique et mental. Il est nécessaire à notre bien-être et peut nous permettre d’explorer notre propre inconscient.
Illimité, cet aspect de nous-même est aussi vaste que les étoiles et la galaxie.
Photo NASA « Galaxies »
Toutes les traditions nous disent que l’homme porte en lui une parcelle d’infini, même s’il n’en n’est pas conscient. Certains définiront cette partie d’infini comme notre « guide intérieur» ou « l’étincelle divine » en chacun de nous .. Mais ne faisons pas des mots un obstacle et respectons les idées de chacun. Ce qui est sûr, c’est que le rêve nous met en contact avec d’autres aspects de notre conscience auquel nous n’avons pratiquement pas accès lorsque nous sommes actifs, éveillés dans la journée.
Le rêve peut être considéré comme l’expression directe de notre inconscient. Il nous ouvre à ce réservoir inépuisable de connaissance. Le tout est de trouver la clef ou les « techniques » qui nous en permettent l’accès et cela, consciemment.
Cette partie d’infini, l’homme l’a donc en lui car il est aussi « Cela », car il fait partie du Tout, Réservoir Universel de Toute Connaissance.
Connaissance avec un grand C, celle qui va bien au delà de notre mental discursif.
L’accès à cette Connaissance Infinie peut être obtenue comme nous l’enseigne le Yoga, lorsque nous sommes capable de calmer le mental, celui qui « bavarde tout le temps dans notre tête ». « Chiita vritti nirodha » . Patanjali,* nous dit lorsque le mental est calmé, apaisé, purifé, il peut laisser passer la Lumière. Lumière de la Conscience et de la Connaissance.
* Patanjali est considéré comme le Père du Yoga, . Il aurait vécu 200 ans avant ou 200 ans après J. Christ. Il nous donne tout un enseignement à travers ses aphorismes, courtes phrases synthétiques qui nous guident sur la voie de la connaissance.
Ainsi la méditation, le silence du mental est une voie d’accès à ce Monde Infini.
L’autre moyen d’y accéder est de pénétrer dans le monde du rêve car là encore le mental habituel est mis de côté, endormi, mis naturellement au repos.
Le Rêve peut nous éclairer dans l’ombre…
Il est aussi est comme un « arc-en-ciel » un « pont » entre le monde irréel et notre monde. Entre le monde du « Sans Forme » et le monde « de la Forme ».
Il nous donne accès à des plans supérieurs de conscience si nous voulons bien nous en rendre compte et savoir l’interpréter.
Photo Chris Mangeart – Chutes du Niagara
Photo Chris Mangeart
Photo Chris Mangeart – – Arc en Ciel aux Chutes du Niagara
Démarche personnelle de l’intériorité.
Dans notre état de veille, lorsque nous ne dormons pas, nous avons plus ou moins de conscience de se qui se passe, à l’extérieur et un peu moins en nous généralement.
Notre vie d’occidental nous a surtout habitué à être plus « à l’extérieur » et à être beaucoup moins « intériorisés ».
L’intériorité est surtout une démarche personnelle. On ne nous a pas tellement appris cela dans notre éducation, ni à l’école, ni très souvent non plus à travers l’éducation que nous ont donné nos parents.
Or l’intériorité nous permet d’accéder à un monde de richesse inexploitée pour la plupart d’entre nous.
En dessous de ce que nous, nous appelons « l’état conscient », mais il serait plus juste de parler de « l’état de veille dans la journée», existent plusieurs plans.
Donc en dessous de notre « conscience ordinaire » existe le « sub-conscient » ce plan « en dessous » de notre conscience habituelle. Ce plan fait le pont aussi avec un autre plan, plus profond encore, qui est lui appelé «l’ inconscient ». Plan d’inconscient personnel mais aussi plan d’inconscient collectif pour utiliser les termes connus*
Ces plans contiennent toutes les mémoires de ce que nous sommes depuis les temps immémoriaux. Ils contiennent non seulement ce qui touche à notre héritage-hérédité personnelle et familiale, mais aussi touche tout ce qu’elle comporte depuis le balbutiement de la vie, de la cellule à toute la chaîne d’évolution à travers les âges, à travers toutes nos vies. Tout est enregistré. Et nous avons tout cela en nous.
(*Voir à ce sujet les travaux de Freud et de Jung les plus connus traitant de ces sujets).
Ce plan plus profond comprend aussi ce que nous n’avons pas encore développé, une supra-conscience,**
** Référence aux ouvrages de Sri Aurobindo et à celui de Satprem peut être plus accessible à tous « L’aventure de la conscience » Ed Buchet Chastel.
Comment et en quoi le Yoga peut-il nous aider pour accéder à ces niveaux ?
Oui, le rêve est un des moyens d’accès à ces plans supérieurs de conscience.
Nous pourrions résumer ce qui est dit précédemment en disant que le sub-conscient contient plus d’informations que nous en avons à notre conscience. Ce plan dit de l’inconscient (puisqu’il n’est pas conscient chez les êtres humains) pourrait s’appeler aussi « supra-conscient » puisqu’il a lui, accès à la totalité des informations et qu’il est directement connecté à la Source d’Infini.
Le premier pas : se rappeler de ses rêves
Avant de vouloir comprendre le message que nous apporte le rêve, il faut dans un premier temps s’en souvenir pour ensuite pouvoir l’interpréter,
C’est seulement après un certain temps d’un travail sur soi, que l’on peut à la fois rêver, être conscient que l’on rêve et en interpréter directement le message au moment même où l’on dort.
Avant d’arriver aisément à cela, comme toute discipline, il y a un préambule, un apprentissage.. Le premier pas sera déjà de noter ses rêves.
Une technique simple à la portée de tous :
Il est une technique simple à la portée de tous, et que chacun peut faire sans problème, là où il se trouve et sans dépenser d’argent.
Voilà qui peut attiser les curiosités.. !
Cette méthode est préconisée bien sûr dans la pratique du yoga, mais aussi dans d’autres méthodes pour préparer à l’éveil. Elle mobilise notre conscience, et canalise notre mental. Ainsi le Bouddha avait enseigné cette technique à ses disciples comme une technique préparant à l’éveil. Nous retrouvons cette invitation dans la méditation « Vipassana »
Comment la résumer ?
He bien, il s’agit tout simplement, en tout cas dans un premier temps, d’être conscient de son souffle, de sa respiration, sans la modifier, et cela si possible, à chaque instant.
Car, comme le disait Lanza Del Vasto : « Qui tient le fil de son souffle, tient le fil de ses pensées » Là est le premier pas.
Cette technique va développer en nous ce que l’on appelle « l’état de témoin ».
Cette présence au souffle rejaillira sur une présence aux sensations, aux perceptions mobilisant tous nos sens.
Ainsi nous pourrons plus facilement prendre aussi de la distance par rapport à nos sens, nos émotions, être témoin de nos pensées, les accueillir ou non, comme nous le ferions avec des invités.
Nous savons fort bien que dans les rêves, tous nos sens restent bien sollicités. (la vue, les sensations tactiles, l’odorat, l’ouie, le gôut..)
Ainsi, si nous consacrons quelques instants chaque jour à la présence au souffle, aux perceptions sensorielles d’instant en instant, nous développons la capacité d’être « là, ici et maintenant ».
Autres exercices :
La pratique de la relaxation approfondie alliée à la vigilance, sans s’endormir. Ce sera aussi un exercice privilégié pour l’éveil de la conscience.. Le « Yoga Nidra » la technique du sommeil éveillé, s’avère est un exercice excellent dans ce sens de profonde transformation de soi. Par le Yoga nidra, nous avons une action directe sur notre inconscient et pouvons nous transformer à tous les plans de notre être.
Développer le geste conscient à chaque instant de la journée.
Etre à la fois intériorisé, tout en étant dans l’action, très présent à ce que l’on fait.
Cette forme « d’éducation » de la vigilance finira par se ressentir dans notre vie. Nous pouvons développer ainsi cette présence, cette intériorité tout en étant dans la vie active. Cela sera encore un pas dans cet éveil de notre conscience.
Ce second pas emboîtera le premier car cette présence pourra aussi être là, même lorsque nous dormons. Petite boutade à relever : Certains d’entre nous vivent déjà l’expérience de « dormir et d’être conscient qu’ils ronflent en même temps ». ! Même sans être dans le chemin ni du yoga, ni de la méditation.. !
Encore un exercice : si vous ronflez en dormant : faites-le au moins consciemment !
Alors si nous arrivons à éveiller la conscience et la vigilance, à chaque instant, cela pourra aussi se faire durant la nuit lorsque nous dormons par rapport à nos rêves. Il suffit de faire l’expérience, simplement de s’entraîner avec persévérance. En général un an de pratique donne déjà de bons résultats. Oui, nous pouvons ainsi faire cette expérience d’être conscient de nos rêves.
Dans les rêves, bien que tous les sens soient mobilisés, la vue reste privilégiée.
Dans la pratique du Yoga de l’Energie, il est un exercice de base nommé :
« Le Regard Intérieur » :
Derrière les paupières closes, nous déplaçons la conscience et le souffle de vie, l’énergie, de haut en bas et de bas en haut dans tout le corps accompagnant notre respiration. Sur l’expir nous descendons la conscience jusqu’au bas de notre corps, sur l’inspir vers le sommet de notre crâne. Ainsi la vue subtile est mobilisée avec tous les autres sens, les indryas. sens physiques et sens subtils. Nous sensibilisons ainsi dans notre cerveau les régions correspondant aux mêmes zones mobilisées lors du rêve, celles-ci allant de pair aussi avec une certaine chimie dans notre cerveau.
Dans « l’Art de Rêver » don Juan Castaneda insiste aussi sur ce terme de la vue et des « voyants » pour appréhender le monde et mieux le connaître sous plusieurs formes de ses réalités.
Lien microcosme-macrocosme :
« se transformer soi-même et changer le monde »
Le passage d’une réalité à l’autre peut se faire lorsque nous sommes prêts.
Dans notre vie, nous avons besoin de limites, et en ce sens, la nature est bien faite. Les limites nous structurent.
Il est un temps pour tout. Comme pour le rêve, il arrive aussi un temps pour nous de pouvoir dépasser ces limites qui nous enferment.
« Le passage » se fait grâce à l’accès à une autre conscience.
Les messages des rêves sont toujours parlants. Le tout est de les comprendre. Le rêve s’exprime à travers images et symboles. Il nous guide pour comprendre le sens des évènements de notre vie. Nous sommes ainsi accompagnés par cette conscience supérieure et notre mental limité doit s’adapter pour comprendre le message imagé.
Car, ne l’oublions pas, l’interprétation du rêve est chose délicate. Nous sommes tous à même d’en comprendre, par nous-nous même, le sens à priori caché. Cela demande d’avoir pris le temps de noter ses rêves un certain temps. Le message n’apparaît pas forcément tout de suite. Il fait savoir qu’il y a peu de personnes très compétentes pour nous aider en ces domaines. Car chacun interprète à travers ce qu’il est et à travers son propre filtre. Il ne faut pas se fourvoyer.
Dans l’antiquité ce rôle d’interprétation était réservé à des Sages, à des prêtres, à des devins. Si nous n’avons pas de guide sérieux pour les interprétations, il nous faudra trouver notre guide intérieur. Alors apparaît la compréhension de l’unité fondamentale de toute chose.
Ce qui se passe autour de nous est aussi le reflet de ce qui est en nous et de ce que nous pensons. Il nous appartient donc d’éduquer notre mental.
Il est peut-être temps pour nous aussi de « rêver le monde autrement», avec une autre conscience.
Un exemple intéressant est celui des Aborigènes d’Australie, avant l’arrivée de la la civilisation occidentale, la vie spirituelle se mêlait totalement à la vie temporelle. La possession personnelle n’existait pas.« C’est d’un rêve que le monde est né. Le Grand Esprit, l’Intelligence suprème envoya sur terre une pluie de parcelles de cette Intelligence afin qu’elle matérialise les images reçues pendant son sommeil » (voir Cyril Havecker Le temps du rêve).
Photo NASA « Galaxies »
Le rêve est créateur. Il fait référence à un monde parallèle exemplaire qui corrige, régularise sans cesse le monde des humains.
La pensée, les mondes subtils s’expriment avant de naître dans la matière.
Il appartient donc à chacun de nous de « faire le monde »
Don Juan disait à Castaneda dans son enseignement : « Tu fais le monde »
Nous voyons là, la responsabilité que nous avons à travers le mental qui nous appartient : notre libre arbitre.
A notre époque où les évènements s’accélèrent ou les médias affolent, il nous appartient de rester plus que jamais centré et de voir en tant que praticien du yoga ce que nous pouvons faire dans le sens de l’évolution de la conscience aussi au niveau de la planète.
Photo NASA « Galaxies »
Je voudrais à ce sujet citer un passage du livre « L’aventure de la conscience » d’après Sri Aurobindo, de Satprem chez Buchet Chastel (édité en 1991) :
« O race née de la terre,
Que le Destin emporte
Et que la Force contraint,
O petits aventuriers dans un monde infini
Prisonniers d’une humanité de nains,
Tournerez-vous sans fin dans la ronde du mental
Autour d’un petit moi et de médiocres riens ?
Vous n’étiez point nés pour une petitesse irrévocable
Ni bâtis pour de vains recommencements..
Des pouvoirs tout-puissants sont enfermés
Dans les cellules de la Nature
Une destinée plus grande vous attend..
La vie que vous menez,
Cache la lumière que vous êtes.
..
Je les ai vus passer le crépuscule d’un âge,
Les enfants aux yeux de soleil, d’une aube merveilleuse..
Puissants briseurs des barrières du monde..
Architectes de l’immortalité..
Corps resplendissants de la Lumière de l’Esprit
Porteurs du mot magique, du feu mystique..
L’âge de fer est fini. »
Sri Aurobindo a dit : « La grandeur de l’homme n’est pas dans ce qu’il est,
Mais dans ce qu’il rend possible ».
Ainsi tout est déjà là,
il suffit que nous le voulions.
Chris Mangeart, Féternes, le 17 septembre 2009